BOBILLIER, MARCEL (103)
"Mon premier voyage sur le Yukon, de Whitehorse à Dawson"
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Nous sommes au début de juin 1942. Je suis envoyé à Fort Selkirk, la première capitale du Yukon pour y ouvrir de nouveau la mission catholique fermée depuis plus de 40 ans.
A cette époque, il n'y avait pas encore de route entre Whitehorse et Dawson. Depuis un mois seulement les premiers milles de la grande route de l'Alaska étaient ouverts dans la brousse nordique par conséquent le seul moyen de se rendre à un village isolé sur le fleuve en été était de prendre un vapeur.
En vapeur de Whitehorse à Fort Selkirk
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C'est ainsi que dans la nuit du 2 au 3 juin, je quittais Whitehorse sur le Casca, l'un des cinq ou six vapeurs naviguant cet été-là sur le fleuve et certains de ses tribulaires. Comparé aux petits bateaux employés sur le Liard, l'été précédent, ce vapeur était imposant, il mesurait plus de 175 pieds de longueurs. Il avait deux ponts superposés et un entre-pont pour la marchandise. la machinerie, la cuisine et la provision de bois pour la chaudière à vapeur. Les bateaux à aubes qui naviguaient sur le Yukon étaient actionnés à la vapeur. On utilisait le bois comme combustible et le ravitaillement en était assuré à différents points le long du fleuve. Le faible tirant d'eau de ces bâtiments leur permettait de s'approcher très près de la rive surmontée par la cabine du pilote. Le bateau était propulsé par une énorme roue à aube de sept à huit pieds de diamètre et de 25 pieds de longueur. Elle fonctionnait selon le même principe que les roues d'une locomotive. Sur ce vapeur, on pouvait accommoder une centaine de passagers pour la nuit. Une grande salle à manger et une salle d'observation me rappelaient les grands transatlantiques.
En temps de paix de nombreux touristes descendaient le fleuve sur ces vapeurs pour visiter le Klondike. En cet été de 1942, les touristes avaient disparu, mais les bateaux travaillaient plus que jamais pour la défense nationale et le ravitaillement des habitants du Yukon.
Il est minuit passé quand le Casca poussant devant lui une longue barge chargée de bidons d'essence, quitte le quai, remonte le fleuve, tourne sur lui-même et se laisse emporter par les flots rapides du Yukon.
La nuit est claire car l'obscurité n'existe plus en ce temps de l'année. Le soleil qui a passé de l'autre côté des montagnes en les dorant, réapparaitra bientôt à l'est. Même sur une rivière aux mille méandres, les vapeurs peuvent voyager de jour et de nuit sans arrêt, pendant presque toute la saison.
Fort Selkirk est à environ 300 milles de Whitehorse par le fleuve. Aussi j'aurai tout le temps d'admirer le paysage le lendemain. Je me rends donc à ma cabine, après avoir pris un petit lunch et passé une excellente nuit pendant que le vapeur descend les premiers milles et traverse les trente milles du lac Laberge.
Au matin, je me réveille au delà du lac, le long d'un autre bras de rivière où la glace n'a pas encore entièrement disparu le long des rives. A cet endroit, la rivière est si étroite et si tortueuse que le vapeur n'arrive pas à contourner une langue de terre et doit descendre plusieurs milles à reculons avant de reprendre sa marche normale. Les hautes montagnes ont disparu et nous nous trouvons serrés entre de légères collines. La journée est splendide mais la brise qui souffle est froide.
fin de la première section
récit par Père Marcel Bobillier - Souvenirs du Yukon
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