BOBILLIER, MARCEL (3) (121 Français )
suite de 2-2
Nous remontons lentement le cours du ruisseau et grimpons petit à petit sur une hauteur rocailleuse où il n'y a plus aucune verdure. La brume couvre les sommets avoisinants. Le soir descend sur ce paysage alpestre et nous cherchons un endroit pour camper.
Nous sommes apparemment aux approches d'Excelsior, le dernier relais avant la montée de la Chilkoot, où tant de cherchers d'or campaient en 1898. Sur une pointe rocheuse, un gros poteau se dresse encore, lequel supportait des câbles suspendus jusqu'au sommet du col. Plus bas, des maisons en ruines ne sont plus que des amas de planches grises.
Nous campons près de ces ruines au bord du ruisseau, sur un terrain légèrement incliné et couvert d'herbe dont le moelleux nous aidera à passer une meilleure nuit. Le temps se couvre de plus en plus et probablement qu'il pleuvra durant la nuit.
Coupant des annules nains, le père Boyd prépare l'installation de la tente pendant que je monte plus haut chercher des planches à moitié pourries pour le feu. Je découvre alors une vieille lampe à pétrole et d'autres ustensiles gisant ici et là entre les roches. En route aujourd'hui, nous avions aperçu de vieilles sleighs ou traineaux, de nombreuses pièces de ferraille et des blanchis d'un cheval au fond du ruisseau.
Ce soir-là je cuis du macaroni et des saucisses et nous dégustons ce souper pendant que les premières gouttes de pluie commencent à tomber. Nous nous couchons et dormons pendant douze heures. La pluie tombe sur la tente mai, sous ses plis, nous dormons bien et nous nous trouvons frais et dispos quand nous nous levons le lendemain vers 8 h 30.
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3 ÈME JOURNEE: LE COL DE LA CHILKOOT:
Nous rallumons le feu. Pendant que nous déjeunons d'une bonne soupe chaude, voilà qu'un gros ours grizzly s'approche de notre campement à 200 pieds de distance. Comme on nous avait prévenus que nous ne verrions rien que des chèvres de montagne, que nous n'avions pas besoin de fusil, nous ne sommes pas armés. Que faire? On le hèle. Il nous regarde, s'éloigne, puis revient pour avoir un meilleur coup d'oeil. Le père prépare sa hache. Je saisis un morceau de bois...On crie, et l'ours disparaît derrière des rochers. Nous sommes soulagés car ce devait être le grand-père de nombreux ours.....
Le temps n'est pas beau ce matin. Le brouillard cache toutes les hauteurs et il ne semble pas qu'il daigne se lever de sitôt.
Nous remettons nos sacs au dos et repartons à 9 h 15. Nous remontons le fond du ruisseau que dominent encore les anciens pylônes supportant les câles qui transportaient les marchandises au sommet.
Nous grimpons des éperons rocheux où ici ou là gisent des souvenirs de la course à l'or. Au fond de la ravine dont nous suivons le flanc abrupt, on aperçoit une ancienne machine à vapeur qui n'a pas été poussée plus loin. Nous sommes dans la brume et ne voyons rien à 200 pieds devant nous. Je prends cependant quelques photos de ce paysage fantastique de rochers de toutes dimensions où, dans le cirque étroit de ces montagnes, une cité de tentes et de quelques maisons s'élevait il y a soixante ans.
En arrivant au-dessous d'une légère butte, j'aperçois soudain quelque chose d'insolite : deux petit tentes se dressent à quelques pieds devant moi...On appelle et l'homme qui dort encore est réellement surpris de nous voir. Il lui faut plusieurs minutes pour réaliser que nous sommes deux prêtres du Yukon en excursion sur la Chilkott. Il s'appelle Denis Cooper. Il est avec son frère qui inspecte les environs dans le brouillard. Ils sont partis de Dya samedi soir, soit deux jours avant nous. Nous avons donc couvert en un jour la distance pour laquelle ils en ont mis trois. Nous avons campé juste un demi-mille en aval de leur campement.
Alexandre, son frère arrive peu après. Nous causons quelques minutes et laissant nos sacs, nous jetons un coup d'oeil sur cet ancien village où les maison en planches d'autrefois sont toutes tombées à terre, sous les épaisses neiges de l'hiver. Nous découvrons des endroits nivelés pour l'emplacement des tentes, de vieux fourneaux, une forge complète avec ses pinces et ses marteaux, des assiettes et de nombreuses ferrailles qui trainent un peu partout. Le Père emportera une vieille fourchette et un couteau rouillé comme souvenirs. Je n'emporterai rien.
Comme la brune est épaisse on ne peut juger exactement de la largeur de cette espèce de vallon rocailleux où cette cité de tentes se dressait. On n'aperçoit même pas le fameur éboulement de roches que nous devons escalader pour atteindre le col. Mais les Américains, nous assurent qu'il n'est qu'à quelques centaines de pieds plus loin. Les flances à pic de la montagne s'élèvent de tous cötés et partout ce ne sont que des amas de roches vives ou brisées.
Nous disons adieu à ces hommes qui sont venus prendre des vues cinématographiques pour la TV et qui se demandaient s'ils devaient continuer leur route au-delà du col ou retourner à Skagway? Notre passage les encourage à continuer. Ils arrivèrent à Bennette trois jours après nous.
écrit du Père Marcel Bobillier (2.3)
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